L'un des facteurs qui jouent contre une pratique de la littrature policire auprs des jeunes, c'est la violence qu'elle exploite. Pourtant, si la littrature de jeunesse tente de garder auprs de son jeune lectorat ce qui fait son attrait chez les adultes, le traitement de la violence y est spcifique afin de mnager la sensibilit des enfants tout en conservant le sens du frisson. Ainsi, quand la mort est au rendez-vous, elle concerne souvent un animal, comme dans Le Chat de Tigali o Didier Daeninckx met en scne une parabole. Le racisme ordinaire, sordide, aboutit un acharnement contre le chat du narrateur rentr d'Algrie, fait violent en soi: le chat symbolise ainsi l'innocente victime d'une situation dure et cruelle. L'image attnue la violence des mots.
Qui a tu Minou-Bonbon? prsente plus de douceur encore grce aux connotations sucres du nom du chat, mort lui aussi, et focalise par ailleurs le rcit sur la recherche du coupable sans trop s'attarder sur la victime.
Parfois, le mfait, prsent a priori comme un crime sordide, est en fait un banal larcin: l'affreux criminel de La Belle et le Loubard n'a, de fait, qu'emprunt le larfeuille de celle dont il est amoureux pour avoir un prtexte de la rencontrer. Les doigts rouges du sang du crime ne sont que des doigts tachs de la peinture rouge du vlo, cadeau d'anniversaire qu'on va offrir au protagoniste, dans Les Doigts rouges (l'un des romans policiers de la liste de rfrence des nouveaux programmes du cycle 3). Ces quelques exemples invitent regarder comment s'crit chacun des romans du secteur jeunesse, en se gardant de gnralits sur le genre. Les adultes ont une culture fonde sur leurs propres pratiques littraires, mais il importe de lire de nombreux polars enfantins pour percevoir comment la littrature de jeunesse recre le genre par une mobilisation de traits spcifiques, parmi lesquels on peut citer:
la douceur et la sucrerie,
les victimes animales,
les enfants dtectives,
le milieu scolaire,
les faux mfaits.
Au cours des changes oraux effectus partir des lectures d'ouvres par les lves, il sera bon de pointer ces lments lorsqu'ils sont prsents et de fonder ainsi, par des comparaisons entre les romans, les mises en rseau prnes par les nouveaux programmes.
Ces mmes lments permettront de diffrencier le genre enfantin du genre adulte, souvent glauque voire sordide, que les lves connaissent pourtant par la tlvision: la verbalisation favorisera une mise distance de la violence. Mais on pourra remarquer, dans les sries grande diffusion comme Julie Lescaut ou Navarro, la prsence d'enfants, ceux des commissaires et leurs copains, qui introduisent une respiration et une dtente, par leur fantaisie, leurs proccupations et leur vision du monde, cassant ainsi la duret de l'intrigue premire de ces tlfilms.
