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Neuilly-sur-Seine était composée d'une douzaine de maisons en rondins. De vraies isbas avec des toits recouverts de minces lattes argentées par les intempéries d'hiver, avec des fenêtres dans des cadres en bois joliment ciselés, des haies sur lesquelles séchait le linge. Les jeunes femmes portaient sur une palanche des seaux pleins qui laissaient tomber quelques gouttes sur la poussiè de la grand-rue. Les hommes chargeaient de lourds sacs de blé sur une télègue. Un troupeau, dans une lenteur paresseuse, coulait vers l'etable. Nous entendions le son sourd des clochettes, le chant enroué d'un coq. La senteur agréable d'un feu de bois l'odeur du dîner tout proche planait dans l'air.

Car notre grand-mère nous avait bien dit, un jour, en parlant de sa ville natale:

Oh! Neuilly, à l'époque, était un simple village...

Elle l'avait dit en français, mais nous, nous ne connaissions que les villages russes. Et le village en Russie est nécessairement un chapelet d'isbas le mot même dérevnia vient de dérévo l'arbre, le bois. La confusion fut tenace malgré les éclaircissements que les récits de Charlotte apporteraient par la suite. Au nom de Neuilly, c'est le village avec ses maisons en bois, son troupeau et son coq qui surgissait tout de suite. Et quand, l'été suivant, Charlotte nous parla pour la première fois d'un certain Marcel Proust, à propos, on le voyait jouer au tennis à Neuilly, sur le boulevard Bineau, nous imaginâmes ce dandy aux grands yeux langoureux (elle nous avait montré sa photo) au milieu des isbas!

La réalité russe transparaissait souvent sous la fragile patine de nos vocables français. Le président de la République n'échappait pas à quelque chose de stalinien dans le portrait que brossait notre imagination. Neuilly se peuplait de kolkhoziens 16.

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16 . Makine. Le testament français. [Paris], Mercure de France, 1997, p. 43-44.

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Cette question, en apparence, était toute simple: Oui, je sais, c'était un

tyran sanguinaire, c'est écrit dans notre manuel. Mais que faut-il-faire alors de ce vent frais sentant la mer qui soufflait sur la Seine, de la sonorité de ces vers qui s'envolaient dans ce vent, du crissement de la truelle d'or sur le granit que faire de ce jour lointain? Car je ressens son atmosphère si intensément!

Non, il ne s'agissait pas pour moi de réhabiliter ce Nocolas II. Je faisais confiance à mon manuel et à notre proffesseur. Mais ce jour lointain, ce vent, cet air ensoleillé? Je m'embrouillais dans ces réflexions sans suite mi-pensées, mi-images. En repoussant mes camarades rieurs qui m'agrippaient et m'assourdissaient de leurs moqueries, j'éprouvai soudain une terrible jalousie envers eux: Comme c'est bien de ne pas porter en soi cette journée de grand vent, ce passé si dense et apparemment si inutile. Oui, n'avoir qu'un seul regard sur la vie. Ne pas voir comme je vois...

Cette dernière pensée me parut tellement insolite que je cessai de repousser les attaques de mes persifleurs, me tournant vers la fenêtre derrière laquelle s'étendait la ville enneigée. Donc, je voyais autrement! Était-ce un avantage? Ou un handicap, une tare? Je n'en savais rien. Je crus pouvoir expliquer cette double vision par mes deux langues: en effet, quand je prononçais en russe ܻ, un tyran cruel se dressait devaint moi; tandis que le mot tsar en français s'emplissait de lumières, de bruits, de vent,

d'éclats de lustres, de reflets d'épaules féminines nues, de parfums mélangés de cet air inimitable de notre Atlantide. Je compris qu'il faudrait cacher ce deuxième regard sur les choses, car il ne pourrait susciter que les moqueries de la part des autres 17.

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, , (, -) XX : Le Président est mort à L'Elysée, dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Steinheil... [ , ...]18. , , .

Félix Faure... Le président de la République... Dans les bras de sa maîtresse... Plus que jamais l'Atlantide-France me paraissait une terra incognita où nos notions russes n'avaient plus cours.

La mort de Félix Faure me fit prendre conscience de mon âge: j'avais treize ans, je devinais ce que voulait dire mourir dans les bras d'une femme, et l'on pouvait m'entretenir désormais sur des sujets pareils. D'ailleurs, le courage et l'absence totale d'hypocrisie dans le résit de Charlotte démontrèrent ce que je savais déjà: elle n'était pas une grand-mère comme les autres. Non, aucune babouchka russe ne se serait hasardée dans une telle discussion avec son petit-fils. Je pressentais dans cette liberté d'expression une vision insolite du corps, de l'amour, des rapports entre l'homme et la femme un mystérieux regard français.

Le matin, je m'en allai dans la steppe pour rêver, seul, a la fabuleuse mutation apportée dans ma vie par la mort du Président. À ma très grande surprise, revue en russe, la scène n'était plus bonne à dire. Même impossible à dire! Censurée par une inexplicable pudeur des mots, raturée tout à coup par une étrange morale offusquée. Enfin dite, elle hésitait entre l'obscénité morbide et les euphémismes qui transformaient ce couple d'amants en personnages d'un roman sentimental mal traduit.

Non, me disais-je, étendu dans l'herbe ondoyant sous le vent chaud, ce n'est qu'en français qu'il pouvait mourir dans les bras de Marguerite Stein-heil... 19

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17 A. Makine. Le testament français. [Paris], Mercure de France, 1997, p. 65-66.

18 Ibid., p. 112.

19 A. Makine. Le testament français. [Paris], Mercure de France, 1997, p. 113-114.

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